Publié le 25/10/2019

Languedoc, l’entre mer et montagne

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Jean Aubry

Collaborateur

25 octobre 2019

Vin

Se pointer le nez chez le vigneron, tout juste après la vendange, surtout après la fête de la Soulenque (repas bien arrosé clôturant ladite vendange), permet non seulement de tâter le

pouls du millésime écoulé, mais aussi de rencontrer des êtres humains dont le niveau de stress décroît de façon inversement proportionnelle à la montée des températures dans les

cuves.

La vigne, elle, encore secouée sous la poussée ultime de l’éclosion de ses fruits, se laisse doucement mourir en attendant la prochaine montée de sève printanière. Le temps défie

alors, dans une espèce de flottement léthargique indéfinissable, le tic-tac de la saison à venir. Un moment de grâce pure qui échappe encore à la tyrannie temporelle des téléphones

dits intelligents. Ce qui n’est pas plus mal.

Pour vous le dire sans détour, cette dernière visite en Languedoc était plus que patente : épatante ! Dans l’ensemble, en compagnie d’artisans bios et biodynamiques appliqués à faire

chanter les schistes, grès, silex, galets roulés, calcaires jurassiques et autres sédiments marins. Ils le font pour mieux mettre en lumière des cépages autochtones, blancs et noirs, qui,

dans les vins faits, transposent une dynamique, une énergie, une tension dont je ne soupçonnais qu’à peine l’existence dans ce coin de pays particulièrement solaire merci. Renforçant

du coup une empreinte, un marqueur terroir criant de vérité. Quelques mots, brièvement, mais une note d’évaluation commune : ★★★★.

Domaine Pierre Clavel. Que ce soit ce Cascaille en blanc (Terroir La Méjanelle), ample, séveux et tendu, ou le classique Pic St-Loup issu des parcelles brune, blonde et rousse, les

vins du sympathique Pierre Clavel ont ce côté canaille, brut, intègre et authentique qui jette immédiatement le pont de l’amitié. Un homme qui aime ses terroirs comme ses propres

enfants.

Domaine de Cébène. Du côté de Faugères, des syrahs, carignans et mourvèdres sur schistes, coteaux exposés au nord, à 300 mètres et par tous les vents, Brigitte et Pierre Chevalier

entrent en sacerdoce, à l’écart du monde, depuis 13 vendanges, sur leurs 11 hectares de vignes. La cuvée Felgaria (nom romain pour Faugères), où domine le mourvèdre (aux

rendements de misère), est époustouflante de rigueur, de tension, de profondeur. Ouf !

Domaine Les Éminades. Nous sommes chez Patricia et Luc, où pas moins de 24 parcelles (15,5 hectares) sur quatre îlots (grès, schistes, calcaire, etc.) livrent, du côté de Saint-

Chinian, des vins sapides et articulés, de grande clarté. Des blancs sveltes et brillants où cofermentent grenaches blancs et marsannes et de vieux carignans (1902 !) bien décidés à

s’aligner, en raison de leurs singularités, parmi les grands vins du monde. Une maison à suivre de près !

Clos du Gravillas. « J’aime les attaques franches », me dira tout de go la pétillante Nicole Bojanowski, perchée dans son Minervois en altitude où les calcaires tendres assurent aux

carignans, syrahs et cinsaults du lieu-dit « Cazelles » une mâche fruitée dynamisante et soutenue. La cuvée en blanc L’Inattendu (grenache + macabeu) démontre ici le grand potentiel

des blancs languedociens.

Château Coupe Roses. Le « clan Frissant » — Françoise, la mère, sa fille Sarah, le fiston Mathias et le gendre David — est à lui seul représentatif du Languedoc d’aujourd’hui et de

demain. Tous sont oenologues, malgré le jeune âge, sans pour autant être soumis à une stricte obédience scientifique en raison d’une approche bio (2013) et biodynamique (depuis

2019). Ici, on soupèse, on réfléchit et on s’implique pour une production qui ne cesse de se bonifier. Et ce n’est pas terminé ! À leur cuvée amirale « Les Plots » se greffe, entre autres,

ce Nature 2018 à base de picpoul noir, de grenache et de syrah, à la texture enrobée, ascensionnelle en raison d’un saisissant « jus » de roche lié au terroir.

Je ne saurais trop vous inciter à inscrire sur votre liste de découvertes languedociennes les châteaux Ollieux Romanis (Corbières) et Rives-Blanques (Limoux) ainsi que les

domaines Lerys(Fitou) et Ledogar(Corbières). Nous y reviendrons !

À grapiller pendant qu’il en reste!

La Compagnon 2017, Domaine Ledogar, Corbières, Languedoc-Roussillon, France (25,05 $ – 14179726) Trois frères : Xavier, Benoit et Mathieu, cinquième génération d’artisans

réunis sous la bannière du bio où le « nature » est aussi traité sans faille, au plus près de la réalité fruitée. Une dominante syrah ici, accompagnée de ses complices grenache et

carignan, soutenu sur le plan de la couleur, hautement juteux sur celui du fruit. C’est chaleureux, mais aussi vivant et fort digeste. Le 2018 dégusté sur fût est drôlement prometteur.

Hautement recommandable ! (5+) ★★★ ©

Juliénas 2018, Lapierre + Pacalet, Cousins, Beaujolais, France (32,50 $ – 13286802) Il aura fallu un magnum de ce gamay extra pour hydrater la dinde de l’Action de grâce et sa

farce épicée et bien goûteuse. Mais nous y sommes arrivés ! Notre sens du dévouement n’étant plus à démontrer. Je retiens de ce millésime une concentration fruitée inhabituelle, avec

cette pureté de ton classique où l’aspect friand de l’ensemble se combine avec quelque chose de plus sérieux, de plus serré, portant la sève longuement en finale. Un grand gamay de

table qui respire la vie et nous l’insuffle au passage. Ce serait dommage tout de même d’attendre la dinde prévue lors de l’Action de grâce de 2020… (5+) ★★★★ ©

Légende

(5) à boire d’ici cinq ans

(5+) se conserve plus de cinq ans

(10+) se conserve dix ans ou plus

© devrait séjourner en carafe

★ appréciation en cinq étoiles


Article de presse Domaine de Cébène Presse

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